A Chypre, le peuple s’est sans doute réjoui un peu
trop vite du refus de son parlement d’accepter la taxe sur les dépôts
bancaires pourtant exigée par la Troïka. Car en définitive le
capitalisme impose qu‘il faudra bien un jour que quelqu’un paye, et les riches en sont bien incapables …
Les récents développements du « cas chypriote », avec la
renégociation de l’accord qu’on croyait scellé, tendent à montrer que la
situation est plus complexe qu’il n’y paraît : coincé entre les
apparences de la démocratie qu’il faut respecter et les exigences
capitalistes (qui il faut sans cesse le répéter sont incompatibles),
faire tomber le « tabou » de la garantie bancaire est un risque
difficile à maîtriser.
C’est que le coup n’est pas si aisé, car le nombre des options
s’amenuise à mesure que la situation empire : que peuvent faire nos bons
gouvernants pour éviter, ou même seulement retarder, un crash du
système capitaliste tout entier (qui sera précédé d’un krach, pour les
pointilleux d’orthographe) ?
-S’ils laissent tomber les banques cypriotes, Chypre court à la
faillite et l’Europe risque l’effondrement en cascade, sans compter les
délicates explications avec la Russie et l’Allemagne.
-S’ils sauvent les banques ils ruinent les peuples (ce qui ne leur
pose aucun problème moral), avec le risque d’une crise sociale majeure
pouvant déboucher sur une panique généralisée, un bankrun qui mettrait
tout l’échafaudage financier par terre, briserait le capitalisme dans le
monde entier.
-S’ils sortent Chypre de l’Europe alors l’Europe aura signé son arrêt
de mort, en même temps que la fin de sa relative bonne santé économique
et sociale (et oui, qui remboursera les dettes des pays qui quitteront
l’Europe ?) ; chaque pays prendra alors la véritable place qui lui est
due selon sa « valeur » dans le monde, et le niveau de vie qui va avec.
De tous côtés donc le danger guette, et depuis maintenant plus d’une
semaine le gouvernement chypriote joue la montre avec la Troïka, un peu à la manière dont la Grèce avait promis le référendum
(voir poker)… Laissant le temps aux riches d’organiser le transfert de
leurs avoirs dans des contrées moins hostiles pour le jour où les
banques rouvriront (ce qui a déjà commencé selon certains),
tandis que les pauvres sont quant à eux contraints de se battre aux
guichets pour récupérer les quelques malheureux billets qui voudront
bien sortir encore de leurs distributeurs.
Et c’est bien cela qui est le plus scandaleux : que les dépôts
bancaires soient taxés ou pas, à vrai dire cela ne change pas grand
chose car in fine ce sont toujours les pauvres qui trinquent… Mais qu’on
empêche concrètement les gens de retirer librement l’argent qui est
censé leur appartenir, c’est là une étape sans précédent qui vient
d’être franchie. En faisant tomber le « tabou » sur la garantie des
dépôts bancaires, la Troïka montre au monde et aux peuples que non
seulement tout l’argent qui se trouve dans les banques ne leur
appartient pas, mais surtout que tout est déjà prêt pour éviter la seule
réponse possible à la séquestration de son argent : le bankrun. Ne
pouvant se permettre de réaliser les deux autres solutions citées plus
haut, on s’aperçoit que seule la taxation de l’épargne populaire serait
pour les dirigeants européens un moyen efficace d’éviter la faillite
généralisée ; tandis qu’un bankrun (lui aussi généralisé) serait pour le
peuple un moyen d’éviter l’appauvrissement (toujours) généralisé.
En même temps, il faut comprendre nos dirigeants : de quoi
auraient-ils l’air s’ils avouaient que tout l’argent qui circule sur
cette planète n’existait tout simplement pas ? Car c’est bien à cela que
sert un bankrun : il ne satisfait personne, car tous s’aperçoivent en
même temps que tout l’argent qu’ils croyaient posséder n’existe pas dans la réalité…
C’est donc bien que l’Europe est à bout de souffle, et que les vrais ennuis vont bientôt commencer : en se préparant à spolier les citoyens à la source -leur épargne- l’Europe s’apprête à montrer son vrai visage.
Et le bankrun ne se produira pas, car l’accès aux comptes et aux
retraits d’argent liquide seront limités, suspendus ou interdits,
privant ainsi les citoyens non seulement des besoins de la vie
quotidienne, mais également d’un moyen de pression bien plus efficace
que leur malheureux bulletin de vote : l’argent. Mais si cet argent
qu’on nous oblige à gagner pour survivre ne nous appartient pas, les
denrées ou objets qu’il nous permettent d’acquérir nous
appartiennent-ils vraiment ?
Et surtout, que nous restera-t-il alors ?
Caleb Irri
http://calebirri.unblog.fr
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